La fumée ça pique les yeux, chapitre 26
Ma maman, elle a les yeux tout bleus.
Tellement bleus que dedans il doit y avoir au moins le ciel et la mer, et pis aussi un autre truc comme le paradis si ça existe mais sinon je vois pas.
Ya des moments, ses yeux sont tellement et tellement bleus que tout l’éblouie. Ses pupilles sont complètement noyées dans un océan azur. Alors ma maman elle ne parle plus. Elle regarde le monde en l’inondant de bleu.
Et pis des fois, ma maman elle a les yeux tout noirs. Il reste juste un tout petit cercle autour de ses pupilles où tout le bleu semble s’être concentré. Alors le monde entier devient noir lui aussi et il rentre dans les yeux de ma maman et ça lui fait drôlement mal. Son visage n’a plus d’expression que l’angoisse et le désespoir.
Quand ça va vraiment pas fort, ma maman elle dissimule ses yeux derrière ses petites lunettes de soleil. Elle les garde même la nuit parce qu’elle dit qu’elle veut plus jamais voir la lumière du jour, et qu’on ne sait jamais quand il va se lever, ce sale traitre.
Moi, mes yeux, ils sont marrons.
Et même quand je regarde le soleil bien en face ça me fait même pas mal.
_ » Yeux marrons, yeux d’cochon! » il m’a dit, ce sale petit blond aux yeux bleus de Lucas. Je lui ai juré que je lui en mettrait un, de marron, dans sa sale petite gueule, s’il ne la fermait pas tout de suite.
Ma maman elle dit que mon regard il est encore plus fort qu’un expresso italien, mais moi je sais bien que si j’avais eu les yeux bleus, je me serais envolé avec elle bien plus haut que les mouettes.
Mais j’ai les yeux stupidement marrons. Des yeux qui savent même pas pleurer, sauf pour le coup de hot-dogs moutarde mais ça compte pas. Sur que si j’avais eu les yeux clairs, j’aurais pas vu le monde pareil./
Natacha elle dit que j’ai les yeux de mon papa. Moi je me dis qu’en tous cas, Tonio il a les yeux aussi sombres que moi. Sûrement que c’est pour ça que c’est lui, mon papa de cœur.
A SUIVRE …