fumée ça pique les yeux, chapitre 30
On est sortis faire un tour et l’air froid sent l’hiver à pleine narines. On voit bien que c’est noël parce qu’il ya toutes ces guirlandes qui donnent un air de fête à la ville. Les rues sont désertes, tout le monde est chez soi, en famille. Ma maman elle dit que c’est la rue, notre maison, et qu’on est notre propre famille.
On se balade sur le trottoir gelé en faisant des glissades sur les plaques de verglas. Natacha boit de la vodka à la bouteille. Ça lui réchauffe le cœur et après elle chante « il est né le Putain d’enfant… » en déchirant la nuit de sa petite voix claire.
Plus tard, je vois qu’elle pleure un peu dans les bras de Tonio qui lui parle doucement en espagnol, comme pour la bercer.
Ils me jurent tous les trois que noël est de loin la fête la plus stupide qu’ils connaissent et pourtant ça ne les empêchent pas de me couvrir de cadeaux qu’ils déposent solennellement au pied de notre sapin en plastique durant mon sommeil.
On s’arrête au petit parc. Natacha s’élance sur le tourniquet. Maman lui hurle qu’elle va vomir mais Natacha s’en fout, elle veut tourner de plus en plus vite en regardant les étoiles. Elle dis que ça fait comme des tourbillons de voies lactées et que c’est beau à en chialer. Elle rigole, elle rigole, et elle veut tourner encore et encore.
_ »Plus vite ! » Elle me crie.
On tourbillonne dans l’air glacé avec les étoiles.
Et puis elle descend. Elle tombe à quatre pattes et elle gerbe notre bûche glacée dans l’herbe. Maman accourt en l’engueulant, suivie de Tonio, mais Natacha va déjà beaucoup mieux. Elle se relève, boit une gorgée de vodka, pis elle nous dit que c’est juste cette glace au chocolat qui passait pas, et que de toutes façons, elle a toujours détesté les bûches de noël.
Ma maman elle la regarde sans rien dire et je me demande un instant si elle ne va pas la gifler mais Tonio il éclate déjà de rire derrière elle et on se retrouve bientôt tous contaminés.
Il se met a neiger et ma maman elle dit que c’est magique de la neige la nuit de noël, et que sans doutes c’est un signe. On marche en tirant la langue pour choper tous ces flocons qui dégringolent du ciel, et ça nous vaut quelques interactions avec certains réverbères, murs ou trottoirs mal intentionnés.
On finit tout de même par retrouver le chemin de la maison. Il flotte encore dans l’air une chaude odeur de nos pâtes à la dinde de noël. On oubli aussitôt l’air glacial de la nuit et on se déshabille. On chahute un peu pis on fini par s’endormir, tous entremêlés sur le tapis du salon. Mon souffle devient régulier et je sombre dans le sommeil avec cette douceur des soirs où l’on sait qu’il fait froid dehors mais que l’on est envahis de chaleur.
Ils ont beau dire, noël c’est quand même un drôlement chouette fête.
A SUIVRE…