La fumée ça pique les yeux, chapitre 19
C'est l'été. Ma maman elle a mis son short en jeans tout frangé. On est assis sur le rebord du trottoir avec Natacha, tous nos sacs autour de nous.
Dans mon cartable j'ai mis mon porcinet en peluche, mon opinel, des mouchoirs pour ma maman qu'est toujours enrhumée, un Kinder bueno, mon baladeur, et aussi deux ou trois billes, mais ça j'ai pas fait exprès, je les ai oubliées au fond en rentrant de l'école.
Ya Tonio qui arrive dans son camion à pizza. Pendant qu'on charge nos bagages, il nous montre comment il l'a transformé en camping-car. On part tous les quatre à la mer pour les vacances. Ca va être drôlement chouette.
On roule toute la nuit et tous le monde chante sur des airs de reggae. Ma maman elle a une voix tellement douce que ça me fais des frissons dans tout le corps. Elle dit qu'elle voit des milliers d'étoiles mais en vrai c'est juste leurs mégots qui font des petites lumières dans le pare-brise.
Aujourd'hui ma maman elle a de la magie plein les yeux. A chaque grande côte elle jure qu'une fois en haut, on verra la mer.
Et on arrive tout en haut, et on voit que le péage de l'autoroute, mais elle s'en fout, elle a déjà oublié la mer et elle s'extasie sur des milliards de lueurs urbaines qui lui foncent dessus.
Cette nuit, c'est un vrai tourbillon de joie, ma maman.
On s'arrête sur une aire de repos pour que Natacha dégueule. Ma maman sort du camion et gambade partout sur l'aire de pique-nique en sautillant sue elle même.
Elle s'allonge sur une table en bois. Je vais la rejoindre et on regarde les étoiles pendant que Tonio s'occupe de Natacha qui n'en finit pas de vomir en répétant qu'elle va mourir.
On repart.
Maman passe devant pour discuter avec Tonio et moi je m'allonge à l'arrière contre Natacha. Elle ne dit plus rien et son visage n'a plus du tout de couleur, mais moi je m'en fout, je me blotti contre elle avec porçinet et j'attends que sa respiration redevienne régulière. J'entends son coeur qui fait boumboum-boumboum vachement fort dans sa poitrine.
Devant, la musique s'emmêle avec leur dialogue décousu.
Le corps de Natacha est encore prit de temps en temps de sursauts. Peu à peu, elle s'apaise à mon contact.
Tout est d'une beauté, d'une tranquillité sans fond. Le temps disparaît.
Et pis, d'un coup, ma maman elle crie: « la MER! »
Je me redresse pour regarder et c'est vrai,ya vraiment la mer. Natacha entrouvre difficilement ses yeux tout gonflés de sommeil. Ya un faible sourire qui se dessine sur son visage encore pâle. On regarde tous la mer sans rien dire et c'est merveilleux. Le soleil délavé du petit matin met dans les vagues des reflets qui nous éblouissent.
Ma maman regarde les mouettes qui gueulent en traversant le ciel.
_ »Putain... »elle dit, ma maman, en se mordant la lèvre inférieure.
A SUIVRE ...