LA FUMEE CA PIQUE LES YEUX, chapitre 1
_ »La fumée, ça pique les yeux » elle dit toujours maman quand je lui demande pourquoi elle a le visage encore tout inondé de larmes.
Pourtant, elle continue à fumer. Je comprend pas Pourquoi elle s'arrête pas, puisque ça lui pique tellement fort les yeux.
Un jour, je lui ai demandé. Elle m'a sourit tristement à travers ses larmes et pis elle m'a répondu que sinon c'était la vie qui lui piquait grave les yeux, et que ça la faisait pleurer encore plus fort.
Moi j'ai trouvé ça chelou son histoire mais je me dis que ça doit être un peu comme quand je mange un hot-dog moutarde trop chargé. La moutarde je la sent qui me brûle le nez et qui remonte jusqu'aux yeux et là ça pique drôlement fort et ya des larmes qui coulent toutes seules. Pourtant, je continue à manger des hot-dog moutarde. Et ma maman, elle continue à fumer.
A force, je vois bien qu'elle se perd dans sa brume, que ses yeux ils se vident, ils deviennent vitreux et ils s'allongent jusqu'à ne plus être que deux petites lignes écarlates en haut de son visage. Dans ces moments là, elle me regarde mais je suis pas sur qu'elle me voit, et pis elle me sourit, un sourire qui semble venir de très loin.
Ensuite, elle se remet à pleurer.
Alors, je la serre fort, très fort dans mes bras. Elle chiale de plus belle mais je sens bien que ça la soulage. Je la décharge de son fardeau bien que je sois pas tout à fait sur d'être assez fort pour le porter.
_ »Tu sais, le monde est étrange mon amour, j'y comprends rien. » elle me dit, ma maman. Après, elle se mouche, elle va se remaquiller dans la salle de bain, elle prend son sac à main, et elle vient déposer ses lèvres sur mon cou.
_ »Ya des merguez et de la purée dans le frigo. Tu te rappelles comment on utilise le micro-onde? »
Je dis oui.
_ »Il doit rester aussi une mousse au chocolat. Si tu as un problème, monte chez Natacha. Je t'aime fort, p'tit bout. »
Et pis elle disparaît en laissant derrière elle une voie lactée de fumée.
Je me retrouve seul dans l'appartement. Je vais chercher la mousse au chocolat et je la mange devant un chouette dessin animé plein de couleurs et de musiques. Comme d'habitude, je m'endors devant la télé.
Ensuite, il y a une clé dans la serrure et ses pas hésitants. Elle éteins la télé et me porte dans mon lit.
_ »Bonne nuit, chéri-chéri », elle me dit dans un souffle parfumé à la téquila sunrise.
Je me rendors et, enfin, je commence à rêver.
Mon rêve, il est comme le dessin animé, de toutes les couleurs et rempli de musique. Encore plus sucrés que ma mousse au chocolat. Je m'en met plein les yeux, plein les oreilles, plein la bouche. Et pis je serre très fort mon petit porcinet en peluche. C'est doux.
Dans mon rêve, ma maman elle pleure plus jamais de la vie. On habite dans une maison où ya jamais de fumée pis j'ai un papa. Il est très beau et très gentil. Le dimanche, on va au petit parc et je courre même pas derrière les pigeons pour leur filer des coups de pompes. Je m'assois sur un banc entre mon papa et ma maman et on leurs donne des miettes de pain dur. Ensuite, on m'achète un ballon tout rouge et il s'envole jamais, même si on le lâche sans faire attention.
J'ouvre un oeil. Ma maman sort de la douche. Je le sais parce qu'elle laisse derrière elle un sillage parfumé à son gel douche à la vanille.
Mon papa, il était très beau, mais ma maman, elle était très jeune.
Un jour, ils crient plus fort que d'habitude. Ma maman a son caractère. Mon papa est très nerveux.
Et puis ça part. presque un accident. Juste un geste malheureux. Mon papa il gifle ma maman.
Elle ne crie plus du tout. Lui non plus. C'est le silence.
Elle va chercher son sac et puis elle s'en va. Pour toujours.
Il essaie de la retenir, il s'excuse, il supplie. Mais elle ne veut rien savoir; c'est fini. Ma maman, elle n'en fait toujours qu'à sa tête. Il lui dit qu'il l'aime, mais elle ne l'écoute déjà plus. Elle claque la porte.
Et moi, je suis là, tout petit, au creux de son ventre, mais elle ne le sait pas encore.
Je l'entend qui remue toute la cuisine. Je me lève la rejoindre. Mon bol de lait chocolat m'attend sur le bord de la table. Elle est assise en face, devant un café, et elle fume encore. Elle est bien un peu pâle, et pis ya ces deux croissants de lune bleutés creusés par la fatigue sous ses yeux si petits, mais elle sourirait presque ce matin, perdue dans son nuage de fumée qu'illumine un timide rayon de soleil.
_ »T'as bien dormi, bébé? »
Acquiescer du bout du menton et plonge mes lèvres dans le chocolat pour me faire les moustache de Zorro. J'aui envie de lui raconter mon rêve mais j'ai peur qu'il la rende triste et qu'elle se remette à pleurer, alors je lui dis juste que je l'aime plus grand que le ciel.
A SUIVRE...